Ainsi va l'Equilibre.

Doux souvenirs.

La vie était autrefois si simple et si douce… On dit que l’on ne peut mesurer vraiment la valeur des choses que lorsqu’on a perdu ces choses. Je mesure aujourd’hui à quel point cet adage est nimbé de vérité.

Je me rappelle des journées passées à aider mes parents, de simples vendeurs dans les racines d’Aldrassil, humbles et besogneux, avec un don certain pour aimer et de protéger la nature. Je me rappelle avec nostalgie comment ils m’ont enseigné ce que je sais être maintenant le tout début de mon sens pour l’Equilibre. Ma première leçon qui restera à jamais gravée dans ma mémoire fut celle-ci :

Un jour, alors que mes parents avaient fermé tout deux leur modeste échoppe, nous allâmes en forêt, mon père savait toujours où trouver les animaux. Il avait pris son vieil arc et une flèche. Ma mère aimait à répéter qu’il aurait fait un bon chasseur, et lui, de rétorquer que son sens pour le commerce était encore plus prononcé.

Ils nous désigna une biche et son faon, ce petit était comme tous les petits, à peine assuré sur ses pattes, il tétait sa mère avec de grands coups de tête. Je m’extasiais devant cette scène si touchante pour mon âme d’enfant. Puis la seconde d’après le faon était mort. Je n’avais même pas eu le temps de voir la flèche de mon père partir, occupée que j’étais par ma niaiserie. La biche ne s’est même pas enfuie, elle restait près du cadavre de son faon, tué sur le coup, comme incrédule.

Puis mon père dit : « Ainsi va l’Equilibre », avec un regard qui aujourd’hui encore brûle ma mémoire de sa tristesse. Ce jour là je pleurais le faon dans un excès de sensiblerie enfantine, bien sûr, mais également la perte d’une partie de mon innocence. Je compris réellement le sens de cette leçon que bien plus tard à travers les enseignements de Mardant Chênefort, mon premier mentor :

« Parfois il faut savoir tuer des êtres innocents pour conserver l’Equilibre. Il est d’autant plus difficile pour celui qui fait respecter l’Equilibre d’agir, car de tels actes pèsent toujours sur la conscience. Ainsi, celui qui prend une vie doit toujours avoir conscience de la valeur de cette dernière. Si tu dois ôter une vie , garde toi de le faire faire par un autre. » martela-t-il de sa voix caverneuse. Ce fut la première leçon de toute une kyrielle d’autres….

Humilité et Rêves Verts.

Voici la deuxième leçon qui me reste mémoire : ce moment où j'ai enfin réussi à communier avec l’Esprit Ours. Je ne pus réussir cela avant d’avoir appris humilité. Ce n’était pas chose naturelle chez moi et cela ne l’est toujours pas, je ne dirais pas que je suis imbue mais plutôt que j’ai , parfois, des difficultés à me plier.

Mais pour réussir à prendre la forme d’un ours, il faut laisser dans un premier temps, l’Esprit de l’Ours vous envahir, la moindre résistance et la présence s’efface et votre corps reste celui d’un Elfe. Cette première expérience en temps que change forme fut source pour moi d’une grande joie , d’autant plus que selon les dires de Mardant, je mis plus de temps à la maîtriser que tous les autres druides réunis qu’il avait eut l’occasion d’initier auparavant. Cela me fit me sentir encore plus humble, car Mardant n’était plus tout jeune.

Cela fut aussi du début de mes ennuis. En effet c’est à partir de ce moment que débutât ce que plus tard Mardant appela des rêves verts. C’était selon lui un reliquat de la période ,aujourd’hui révolue, où les Druides pouvaient passer du monde de l’Eveil au monde Éthéré grâce à Nordrassil.

Je fus victime dans un premier temps d’absences, inquiets de cet état, mes parents s’en remirent à Mardant. Aussitôt, Mardant me retira à la garde de mes parents, pour plus de précautions, disait-il. Il se fit rassurant vis-à-vis d’eux mais je sais aujourd’hui, que pour un court moment, j’ai vu l’étincelle de la peur dans le masque immuable qui lui sert habituellement de visage. Les visites de mes parents étaient régulières, au début, mais bien vite Mardant les dissuada de continuer, car selon lui cela perturbait mon apprentissage.

Mes parents, pour qui la parole d’un druide était tout juste en dessous de celle d’un Dieu, ne lui opposèrent aucune résistance. Et c’est ce moment là que Mardant choisit pour me donner l’amulette qui pend désormais à mon cou. Un petit œil de dragon fermé, sculpté dans le jade, un lègue de ma famille selon lui. Parfois quand je mets la main dessus j’ai l’impression qu’il va s’ouvrir.

Je n’ai jamais était maltraitée, mais Mardant n’était pas un être qu’on pouvait qualifier de chaleureux ou d’expansif. Les autres Initiés étaient traités avec une courtoisie circonspecte mais avec moi c’était différent. Heureusement, j’avais trouvé un peu de réconfort en la personne de Caloptérix, un charmant Initié, avec lequel je m’entendais pour le mieux. Mardant me donnait l’impression d’être une pestiférée, et il imposait aux autres d’agir de même. Aussi, Caloptérix ; fut-il ‘invité’ à cesser toute relation amicale avec moi.

Du désert au désert.

Puis vint le jour où je fus confiée à Mathrengyl Pasdelours, qui reprit mon apprentissage là ou Mardant l’avait laissé. Mathrengyl ne fut pas beaucoup plus chaleureux que Mardant, en cela je ne risquais pas d’être déstabilisée, rien n’avait changé, j’étais passée du désert au désert. J’eus le droit à des cours privés toujours en vertu de l’étiquette « contagieuse » que je semblais porter. A cette époque, mes rêves sont devenus plus intenses, je me ‘réveillais’ en age de mes absences, essoufflée, et avec une impression de souillure interne.

Puis vinrent les cauchemars, que je n’arrive toujours pas à décrire même aujourd’hui, car je n’ai pas de mots pour ça. J’ai remarqué que les périodes d’aggravation de mes rêves coïncident parfaitement avec les dates de maîtrise d’une nouvelle forme. Cela a sûrement un sens…

J’en parlais alors à Mathrengyl, mais il me répondit que je ne devais pas m’inquiéter avec un regard semé de doutes. Mathrengyl, m’envoya alors apprendre deux métiers, il me conseilla dépeceuse et travailleuse du cuir. Docilement je suivis ses conseils, et j’appris en plus, les premiers soins et la cuisine. Puis je fus assez expérimentée pour quitter notre Teldrassil, Mathrengyl me fit promettre de le prévenir si les symptômes liés à mes rêves venaient à s’amplifier.

A quoi cela pourrait-il bien servir puisqu’il continuait à me faire croire que cela n’était pas grave et même tout à fait normal, et que cela allait passer si je restais bien dans la Voie de l’Equilibre ? Je ne lui dis rien de mes pensées et j’ acquiesçais de le tête. J’eus le droit à mes recommandations d’usage de la part de l’Archidruide Fandral Forteramure avant mon départ pour mes premières missions à Auberdine.

Usirion et les Juges de Jadeus.

C’est ce nom que j’entendis nettement comme si quelqu’un me l’avait soufflé au creux de l’oreille : « Usirion…Usirion.. ». Aussi, dès que je le pus, je le contactais et je lui fis part de mon attention de faire partie des Juges de Jadeus, après m’avoir expliqué les devoirs des Juges, je devins un membre à part entière de cette guilde.

Parmi les membres de cette jeune guilde, Marsarah, avec qui j’avais au début des rapports plutôt tendus, je suis forte de caractère et elle aussi, ainsi les tensions étaient inévitables. Heureusement, le doux et bienveillant Usirion calmait nos ardeurs, jusqu’au jours où il disparut. La guilde perdit alors, son cœur, son âme, son élan vital…. Nous décidâmes quelques jours plus tard de faire une soirée pour détendre l’atmosphère en hommage à Usirion, Usirion n'aurait pas toléré qu'on s'apitoie sur notre sort.

Et là, moi qui n’avais jamais bu, puisque cela faisait partie des préceptes inculqués par mes mentors, je fus tentée et j’ai cédé à la tentation, comme si une autre, possédait mon bras, je voulais arrêter mais mes mains me resservaient toujours plus d’alcool, et ma bouche l’avalait sans plus de façons. Aussi je finis par perdre connaissance, dans des conditions peu reluisantes. La suite, c’est Marsarah qui me l’a racontée.

Pour me faire reprendre connaissance, Marsarah a utilisé une potion dont elle a le secret, mais je ne suis pas revenue à moi, c’est une entité qui avait pris ma place. J’étais possédée, les Juges pratiquèrent alors un exorcisme, je ne sais pas si c’est ça qui a vraiment œuvré mais l’entité a fini par me rendre mon corps, et je me souviens parfaitement de cet intense sentiment de souillure profonde en plus de l’extrême fatigue.

La sensation n’a rien à voir avec la sensation de paix et de plénitude qui survient après avoir laissé un Esprit vous posséder pour changer de forme… Non, c’est douloureux, blessant, humiliant et intrusif…A partir de là je compris, tous ces matins où je m’étais réveillée avec cette sensation..j’avais été possédée. C’est à partir de ce moment que je décidais de ne plus dormir et d’avoir recours à la dangereuse Potion d’Eveil. Par là même, je décidais de quitter les Juges, non seulement la guilde se délitait mais j’étais devenue dangereuse pour eux.

En effet, ils étaient affaiblis par la perte d’Usirion, n’avaient pas les connaissances pour m’aider ni pour se protéger de ‘mon entité’. Et qui sait ce que pourrait leur faire ‘mon entité’, si elle venait à reprendre le contrôle de mon corps ?

L’Histoire, un long fleuve tumultueux.

C’est aussi à ce moment que j’ai décidé d’écumer les livres d’Histoire pendant les longues heures d’éveil que m’octroyait la potion. Je cherchais une trace de ce phénomène quelque part dans les écrits, mais pour le moment je n’en ai trouvé aucun qui corresponde. Je maîtrise maintenant une forme qui ne m’a pas été apprise par mes Maîtres : la forme ‘rat de bibliothèque’.

Par Ysera, que l’histoire de notre monde est riche…et que mon ignorance est grande. Malgré mes recherches incessantes je ne vais jamais assez vite à mon goût. Il faut dire que je dois faire vite, je ne sais pas si mon corps tiendra encore longtemps. A cause des prises nombreuses et répétées de potion d’éveil, mon apparence s’est modifiée très rapidement, j’ai peine à me reconnaître quand je vois mon reflet dans l’eau.

J’ai le teint si pâle et les traits si tirés, mes yeux ne sont que sang injectés et j’ai tellement maigri…Je dois sentir horriblement mauvais, je vois souvent les gens froncer le nez à mon passage.

J’ai parfois des crises de tremblote tellement importantes que j’ai peine à tourner le pages surtout quand je n’ai pas eu ma dose du matin. Il ne fait aucun doute que je suis maintenant dépendante de ce liquide.

Il me faut de l’aide… mais vers qui me tourner ?

La Flamma Sacra.

Quelques temps auparavant je fis la rencontre de Ravinka, alors que je venais à peine de découvrir Hurlevent, elle me rassura par sa gentillesse, devant mon désarroi qui devait être visible comme le nez au milieu de la figure. Elle se confia alors à moi et nous tinrent depuis ce jour une correspondance. Elle me parla alors un peu de sa guilde.

Je lui demandais au cours d’une de nos correspondances si sa guilde recrutait, elle me répondit par l’affirmative. Avant que mon apparence ne se dégrade j’avais donc été postulé selon les directives de Ravinka., après avoir été bannie de mon ancienne guilde.

Ces gens pouvaient sûrement m’aider, et moi en retour j’étais prête à leur donner beaucoup. Aussi m’étais-je rendue au temple et avais consulté les divers ouvrages relatant des préceptes de cet Ordre. Mais entre temps ma santé s’était dégradée et j’avoue avoir peu retenu, mais juste assez pour savoir que cela me correspondait à moi autant qu’à la Voie que j’ai choisi.

Je revins plusieurs fois au bureau de recrutement. La dernière fois que m’inquiétais de ne pas avoir de nouvelles de ma candidature. Mais vint enfin le jour où je pus rencontrer la Duchesse Dunéä Ladimor Devon, ainsi que le Commandeur de l'Ordre, Calypse. Plus tard, le Commandant Militaire Arturious se joignit brièvement à nous.

Cet entretient fut des plus éprouvants pour moi, la Duchesse par ses sourires, me rassura mais j’étais grandement impressionnée, surtout par Calypse. Si je sentais la Duchesse, douce et aimante, je sentais Calypse plus acéré et aussi plus torturé.

Je répondis aussi bien que possible à leurs questions et racontait une partie de mon histoire. Je sais aujourd’hui qu’il va ma falloir réviser les préceptes de l’Ordre. Car sur ce point je sais que mes réponses n’ont satisfait ni la Duchesse, ni le Commandeur.

Néanmoins et à mon plus grand soulagement, Calypse donna son accord pour m’intégrer. Vint alors le moment officiel où la Duchesse me remit l’insigne de l’Ordre. Je ne pus empêcher des larmes de soulagement de couler. Je me jurais à moi même de donner tout ce que je pourrais à ces gens qui avaient décidé de me prendre avec eux et qui était maintenant devenue ma famille…ma demeure…mon Ordre. J’aurais voulu parler et exprimer cela mais mes lèvres sont restées closes celées par l’émotion.

Par la suite, tout le monde a dû prendre congé, rappelés par le Devoir. Ce soir là , j’ai eu des difficultés à me concentrer sur mes lectures, toute enivrée que j’étais encore par ce qui venait de se passer plus tôt.